Les résistants

L’autre jour, je suis passé devant une école de communication. J’ai tracé ma route sans faire gaffe sur le moment. Aujourd’hui, ces trucs là semblent normaux, s’intègrent parfaitement dans le paysage, sont ancrés dans les mœurs. Et en y réfléchissant j’ai trouvé ça un peu comique. Une école de communication. Pour apprendre à communiquer. C’est assez drôle. De nos jours on fait vraiment des écoles pour tout. 

En y repensant c’est somme toute assez logique. C’est important la communication, surtout pour vendre. Alors à côté des écoles de commerce, on fait des écoles de communication. Ben oui. Enfin, tout de même, j’ai encore un peu de mal avec le concept. C’est comme si communiquer c’était devenu essentiel. Comme si on ne pouvait rien faire de bien sans une bonne communication. C’est un peu vrai. Et un peu triste.

Aujourd’hui c’est comme si on faisait primer la communication sur le reste. C’est à chier ce produit, mais la pub est sympa. C’est pas mal ce qu’il dit, lui, mais il sait pas communiquer, il n’a pas une bonne image. Donc bon, on passe. En politique comme en commerce, l’image fait tout, et de plus en plus. Regardez le père Hollande, comme il plait depuis qu’il a fini d’être gros et qu’il rigole un peu moins en public. Pourtant ses idées n’ont pas vraiment changé. Regardez la Marine, comme elle séduit depuis qu’elle fait moins facho que son père. Moi je trouve ça triste. Et l’authenticité dans tout ça ? Et la vérité ?

Communiquer. J’ai jamais trop aimé le concept. Pour moi ça renvoie un peu au mensonge. Communiquer, c’est mieux mentir, c’est enjoliver les choses. Après tout dans commu-niquer il y a….Bref, j’exagère un peu, je sais. Mais tout de même, regardons autour de nous. Il n’y a plus que l’image. Par exemple, il y a la mode…ou comment ce qu’il y a de plus abject peut devenir le plus prisé. Et nous on marche, on court. Les gens sont cons, tout de même. Tout à l’heure encore, il y avait un mariage chez nos amis anglais, le mariage du siècle qu’ils disaient. La couleur de la tenue de la reine mère a éclipsé l’attentat de Marrakech. Moi j’essaye d’être à la mode sans l’être vraiment. Je soigne mon capital image un minimum pour que les autres communiquent un minimum avec moi. Sans pour autant être l’égérie, sous peine communiquer avec les cons. Sans pour autant être totalement marginal sous peine de ne converser qu’avec les reclus, les geeks et les beaufs. Il faut trouver le juste milieu, c’est tout un art. Quand on vous dit qu’il y a des écoles pour ça !

Je me demande qui est le con qui a inventé le langage. Bon c’est vrai, un beau discours, l’art de manier le verbe, ça peut faire vibrer. Et puis si on ne se parlait pas, ce serait la guerre, non ? Comment ça c’est déjà la guerre ? Qu’est ce que ça serait si on se disait la vérité…Communiquer c’est important, je le concède. Et puis c’est pratique, on peut faire passer plein de messages, en donnant l’impression de ne rien dire de particulier, et puis on peut aussi ne rien faire passer du tout en racontant de la merde. M’enfin moi ça me déprime. Moi je ne suis pas un orateur né, c’est comme ça. Parler ça ne me dérange pas, il arrive même que j’aime ça, mais parfois ça m’emmerde un peu, alors je me mets à penser à autre chose, et je raconte n’importe quoi ou je me trompe de mot. C’est une perte de temps, au fond. On pourrait très bien se parler avec les yeux, ça marche même plutôt pas mal si on veut bien s’en donner la peine. C’est tellement plus romantique. Mais bon aujourd’hui il y a Facebook et les twits. C’est mieux pour les déclarations d’amour ; c’est à la mode, justement (l) ? Il y a aussi les smileys et le langage sms. Comuniké.

Avec mon père, on ne parvient pas trop à communiquer. Une fois les conversations de base et autre banalités épuisées, on n’a plus grand-chose à se raconter. On pourrait aussi se regarder dans le blanc des yeux mais on n’y comprendrait pas grand chose. Donc tant pis, communiquer c’est pas pour nous. On résiste, en somme.