La mise au grenier

Publié le par Malchus

Aujourd’hui j’ai supprimé mon ancien blog. J’avais peut être surestimé le caractère anodin du geste, tant c’était prévu depuis longtemps, comme quelque chose que l’on doit passer acheter au supermarché. La mort de cette page internet était programmée, je m’y étais décidé. Et pourtant, l’inconscient intervenant sans doute, sa mise à mort me sortait de l’esprit à chaque fois que j’eus l’occasion de le faire.

J’ai enregistré méthodiquement les pages, car bien entendu, je voulais conserver ce qui m’a fait office pendant quelques temps de « journal intime pas si intime que ça ». J’ai finalement renoncé à enregistrer les commentaires rattachés à chaque article, ce qui prenait trop de temps. Cette petite part de vie, de témoignages, s’envole.

Il y avait donc un peu de tristesse, un petit pincement au cœur, comme lorsque l’on monte quelque chose au grenier. Le grenier, l’antichambre de la mort pour les objets. Quand on les y porte, on sait bien qu’on ne les reverra probablement jamais, ou alors pour s’en séparer définitivement. Le grenier revêt cette forme d’hypocrisie rassurante, lorsque l’on dit au revoir mais que l’on pense adieu.

J’ai dit adieu à mon blog d’adolescent et d’étudiant immature, sans trop savoir pourquoi finalement. Certes, il y avait là une part de logique puisqu’il se trouvait aux soins palliatifs depuis environ 3 ans. Aujourd’hui, une nouvelle plateforme accueille mes rares écrits, et c’est son existence que j’ai également remis en cause.

A vrai dire, je peine aujourd’hui à voir l’utilité d’un blog. Ce qui est apparu comme un phénomène de mode à l’époque du lycée était aussi pour moi en ce temps là à la fois un véritable défouloir lors de mes coups de déprime, mais aussi une vitrine, une manière de communiquer. Les gens me connaissaient aussi grâce à mon blog ; j’en tirais une petite joie futile. 
A cette époque, je vivais avec la certitude que mes écrits intéressaient chaque lecteur ; j’écrivais presque davantage pour les autres que pour moi. C’était le temps des articles complaisants sur les amis du moment, ça leur faisait plaisir, ça faisait grimper les audiences.  Je gardais toujours un œil sur le chiffre des visites, et des commentaires, comme une pathétique manière de sonder une popularité, tant recherchée en ces temps lycéens.

Avoir un blog peut correspondre à différentes envies, certains y exposent leurs activités, d’autres y consacrent leur passion. Ecrire un blog pour y parler réellement de soi relève d’un certain narcissisme, car c’est croire forcément à l’intérêt qui sera suscité, c’est ouvrir son journal intime au public. Or, au fur et à mesure, m’est venue la pensée que les gens n’auront que faire de mes publications d’états d’âmes, qui constituaient la majorité de mes articles. La plupart des lecteurs échoueront sur le blog n’ayant rien de mieux à faire, survoleront les lignes, repérant quelques passages bien sentis ou émouvants, délaissant la profondeur que je tentais d’y placer. Ils me diront qu’ils ont apprécié la forme, mais auront-ils saisi le fond ? Ecrire pour écrire ne menait plus à rien, se livrer au web entier et n’avoir en retour qu’une poignée de commentaires insipides devenait quelque chose de carrément malsain.

Alors je suis parti, j’ai déserté. Mon nouveau blog verrait son audience particulièrement réduite aux personnes qui me connaissent le mieux, et qui fort logiquement devraient au mieux me comprendre. Et pourtant. La pudeur a progressé, et bientôt à chaque idée d’article l’herbe me fut coupée sous le pied. C’est tout juste si je n’osais pas embêter les gens susceptibles de lire l’article, si je n’étais pas effrayé de les ennuyer un instant avec mes histoires. Alors que ce sont eux, finalement, qui décident de me lire. Néanmoins le blog actuel a pour sa part un petit sursis. Je le garde sous la main, au cas où, un jour, comme aujourd’hui, l’inspiration me reviendrait et la pudeur disparaitrait.

Au fur et à mesure de l’enregistrement des pages de mon ancien blog désormais défunt, j’en survolais le contenu à la manière d’un vieil album photo, et mes sensations furent diverses. Un peu de nostalgie, un peu de vertige, un peu de honte. La honte de s’être livré tant, pour des choses si légères. La nostalgie car c’est cette légèreté qui faisait notre âge, notre insouciance tout juste maculée. Alors le vertige, car des années, déjà.

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